Parce qu’il y a au commandement du
Musée Faouët un magnifique exposition consacrée à Jean Bouchaud De l’Afrique à L’Asie. Voilà encore
un illustre méconnu … qu’il est agréable pour certains de découvrir, pour
d’autres de le voir enfin célébré.
Jean Bouchaud, né en 1891, est
décédé en 1977. Sa carrière fut particulièrement remarquable. Membre de
l’institut, peintre officiel de la marine, il fut aussi ce que l’on appelle un
« peintre voyageur », rapportant de ses nombreux voyages de
magnifiques paysages, notamment ceux de l’entre-deux-guerres parce que c’est probablement à cet époque que se
définit et se renforce les convictions artistiques du peintre.
Entre 1921 et 1923, Jean Bouchaud
fut pensionnaire à la Villa Abd-El -Tif en Algérie où se sont rendus de
nombreux artistes français jusqu’à l’indépendance. Les gouaches et aquarelles
réalisées par l’artiste au cours de ces deux années semblent déterminantes pour
la définition d’une écriture propre où se révèle un sens exceptionnel de la couleur. Bouchaud réserve dans chaque esquisse autant d’importance au dessin qu’à la couleur et,
bien entendu, à la lumière qui ondule et circule en tournoyant avec l’aération
qu’il réserve toujours à l’espace poétique du paysage. Il y a probablement chez
cet artiste la quête de transcrire la sensation du paysage, le sentiment
éprouvé de visu. Aussi, l’expression de « peintre voyageur » lui
convient merveilleusement car elle trahit la capacité de l’artiste à
s’émerveiller devant le spectacle de la nature, un regard parfaitement
contemplatif, le plaisir de la découverte.
Les gouaches d’Alger sont
particulièrement belles. On pense à Maurice Denis pour ce sens de l’aplat
cerné, mais la personnalité singulière de l’artiste fait très vite disparaître
toute référence extérieure. Les paysages d’Indochine sont tout aussi agréables.
Exécuté au cours d’un voyage en 1924/25 pour lequel l’artiste a reçu une
bourse. Après Alger, donc, l’Indochine et l’artiste peint, croque, saisi
quelques instants de vie quotidienne de ces contrées lointaines. Un sens tout
aussi exceptionnel du volume et de synthèse volumétrique ne tarde pas à se
confirmer, ce même sens du volume chromatique que l’on pourra admirer, un peu
plus tard, dans les études de jeunesse de Nicolas de Staël entre 1935 et 1938
et entre l’Espagne, le Maroc, l’Italie. Sous
les aréquiers, Haïphong de 1924 reste un véritable coup de cœur, notamment
pour la manière de reproduire la masse d’un paquebot éloigné, en quelques
touches de couleur juxtaposées. Ce sens de la couleur, du volume et du dessin
le pousse inexorablement vers l’art de l’illustration qui, dans
l’entre-deux-guerres, a connu un essor particulier et vit se multiplier les
participations d’artistes confirmés. Le nombre d’Affiches réalisées par cet
artiste est particulièrement élevé, sans oublier les décors pour le grand hall
de la Cité des Informations pour l’Exposition
Coloniale Internationale de 1931, décors pour lesquels l’artiste sera
félicité.
On ne peut que se réjouir
d’initiatives comme celle qui nous permet de redécouvrir un de nos grands
peintres, parfaitement oublié, jusqu’à cette exposition qui lui rend hommage.
La peinture parfois ne peut se
décrire parce qu’elle ouvre la porte du ressenti. Il faut voir les œuvres de
Jean Bouchaud, redécouvrir un pan que l’on veut aujourd’hui obscur de notre
histoire. Mais ne soyons pas anachroniques. L’artiste a été un homme de son
temps. Pourquoi les peintres voyageurs comme Iacovleff, Roerich sont
parfaitement réputés, connus et reconnus ? Peut-être parce qu’ils n’ont
pas été en Algérie et n’ont pas été des français qui l’ont profondément
aimé.C’est tout le problème du regard que l’on porte aujourd’hui sur la
colonisation et qui auréole celui que l’on porte désormais sur un pan de
l’histoire de l’art français au xxe siècle.Croyez moi, le regard de ce peintre
n’est pas celui d’un pervers qui exulte face au « démon coloniale »,
c’est celui d’un peintre épris de liberté et soucieux de poétiser son rapport
au monde, de célébrer les civilisations découvertes omniprésentes dans ses
compositions. Car ce fut aussi un admirable peintre de figures humaines.
Carla
Van der Rohe, Paris le 6 juillet 2007
Jean BOUCHAUD - Peintre voyageur
Musée du Faouëtjusqu'au 2 octobre 2005
Musée du Faouët - 1 rue de Quimper - Le Faouët - Tél. : 02 97 23 15 27
Jusqu au 2 octobre 2005, du mardi au vendredi de 12h30 à 18h30
Exposition
Jean Bouchaud, Commandement de la Marine à Nantes, 2 Place du Général Mellinet
Nantes.